Facebook en Français a signé son arrêt de mort
Je suis dans cette réflexion depuis un petit moment déjà : et si la version française de Facebook pouvait nuire au concept du réseau social ? En effet, l'annonce début mars de la traduction en français du plus célèbre réseau social au monde avait de quoi séduire, l'anglais étant pour encore beaucoup de français une grosse barrière. Donc Facebook semble viser juste : élargir son audience en se rendant plus accessible.
Mais Facebook a-t-il bien calibré son coup en lançant cette traduction dans plusieurs pays, et plus particulièrement en France ? Car la langue de Shakespeare avait ses avantages dans l'hexagone. En effet, la langue anglaise limitait de fait l'utilisation de Facebook à toute une partie de la population française, je pense notamment aux plus jeunes, pour qui l'anglais rappelle les heures de cours, et les séniors. En traduisant son application en français, Facebook s'ouvre de fait à ces populations, qui ne sont pas majoritaires, mais qui restent un fort potentiel de croissance. Mais à quel prix ?
Cette ouverture n'a-t-elle que du bon ? Pas sûr. A l'heure où Facebook rencontre pour la première fois une baisse du nombre de visiteurs outre-manche (la phase de maturité s'amorcerait-elle déjà ?), on comprend que Facebook soit à la recherche de nouveaux relais de croissance en terme d'inscriptions, notamment depuis que la publicité a fait son entrée sur Facebook.
Quoiqu'il en soit, pour le cas de la France, je ne pense pas que cette traduction soit vraiment positive. Jusque là, les utilisateurs de Facebook acceptaient la langue anglaise, et étaient en quelques sortes intéressés par le fait d'être inscrits à un phénomène médiatique "made in USA" et réservé à une frange de la population. En effet, je reste persuadé que le boom de Facebook en France n'aurait pas été le même si l'application était déjà disponible en français. Il y avait avec l'obligation de maîtriser la langue anglaise un côté "privilégié" à utiliser Facebook.
Avec la disponibilité (par défaut en plus) de la langue de Molière, il faut s'attendre à une inscription massive des 10-17 ans sur le réseau du moment. Pour preuve ma sœur, 13 ans, qui me disait il y a peu qu'elle n'attendait que la traduction en français de Facebook pour que toutes ses copines et elles s'inscrivent et utilisent le site dont tout le monde parle au collège. Je vous invite également à lire l'article assez cru de Jean François Hélie sur la question. Je pense que cette incursion des très jeunes dans le phénomène Facebook va détériorer la "qualité" du réseau. Et ce côté "accessible à tous", "où tout le monde doit être" va progressivement énerver les français pionniers de Facebook (beaucoup de blogueurs), et qui en ont tant parlé à l'époque, ayant permis le buzz et le succès actuel.
Plus clairement, j'ai peur que Facebook devienne le nouveau Skyblog, une plateforme innovante (en son temps) mais vite catégorisée "Djeuns" de par son accessibilité. Et Facebook dans tout ça ? Si le nombre d'inscriptions va logiquement bondir, je ne suis pas sûr que Facebook se réjouisse de l'appauvrissement de son réseau, notamment car la nouvelle audience captée n'est pas la plus réceptive aux publicités pour les annonceurs. Facebook a besoin de toucher les acheteurs, même si l'incursion des jeunes sur son réseau lui permet tout de même d'atteindre les prescripteurs.
Au final, je prédis un changement d'image du réseau social en France, avec un intérêt beaucoup moins important de la part des médias notamment. D'ailleurs, Facebook avait fait retomber en enfance beaucoup d'internautes aguerris, qui ne se gênent pas désormais pour forwarder sur le réseau social des chaînes (les mêmes qui sont haïes par ces mêmes internautes dans les boîtes mails), ce qui va s'accentuer avec l'arrivée des "vrais" jeunes ! Certes, il faut ajouter à cela l'effet de la surprise qui commence à passer, mais cette ouverture à une autre audience, notamment celle des plus jeunes, risque d'accélérer la chute de Facebook selon moi. Le buzz a créé Facebook, ce même buzz peut également le détruire.
Cet article ne relève bien sûr que de mon propre avis, et je serais curieux de connaître le votre sur la question. Le débat est ouvert !