Google s’empare de DoubleClick au prix fort
Moins de 6 mois après le rachat très médiatisé de YouTube pour un montant record de 1,65 milliards de dollars, Google remet ça en déboursant pas moins de 3,1 milliards (cash) pour le rachat de DoubleClick, société spécialisée dans la publicité en ligne. Si le montant dépensé est près de 2 fois supérieur à celui investit dans YouTube, il est fort à parier que ce rachat fera néanmoins couler moins d'encre, la société étant moins connue du grand public.
DoubleClick est une société fondée en 1996, basée à San Francisco, détenue depuis 2001 par les fonds de capital-investissement Hellman & Friedman, qui l'avait alors acquis pour 1,1 milliards de dollars. 1200 salariés sont répartis dans 17 filiales à travers le monde. En 2006, DoubleClick a réalisé un chiffre d'affaires estimé à 300 millions de dollars. Retrouvez son histoire sur le blog de Franck Poisson
Google a ainsi raflé la mise aux dépends de Microsoft, Yahoo! et AOL, présentés comme acheteurs potentiels par le Wall Street Journal. A noter que Microsoft, acquéreur potentiel le plus sérieux, a vraisemblablement retiré son offre dès que la négociation a atteint la somme de 2 milliards de dollars. Une somme que Google semble n'avoir eu aucun mal à renchérir. La transaction n'est néanmoins pas totalement finalisée, Google nécessitant l'approbation des autorités américaines.
Mais pourquoi un tel rachat ? Et bien ce sont les solutions de DoubleClick qui intéressaient Google, telles que les technologies innovantes de la société ("DART" notamment) permettant de contextualiser les bannières par exemple. Google, le spécialiste du lien sponsorisé avec ses solutions Adwords et Adsense se diversifie ainsi et s'empare peu à peu de l'intégralité du domaine publicitaire sur Internet, afin de devenir une "régie publicitaire universelle". Mais l'élargissement de ses produits n'est pas la seule raison de cette acquisition. En effet, en acquérant DoubleClick, Google s'offre ainsi un répertoire prestigieux de clients, tels MySpace, MTV, Meetic et Ford, pour un total de plus de 1500 annonceurs.
Ce rachat a été dans l'immédiat plutôt mal été perçu sur les marchés financiers, l'action de Google perdant 0,24% à l'annonce de la transaction vendredi, avant de grimper dès lundi de 1,4%. Mais ce sont ses concurrents directs qui grincent des dents et montent au créneau, en dénonçant une situation de monopole. Microsoft, par le biais de Brad Smith, vice-président et conseiller général, affirme que Google et DoubleClick "regroupent plus de 80 % des publicités en ligne, leur combinaison a donc de grosses conséquences". Microsoft, bien placé pour connaitre la situation d'abus de position dominante, et qui connait du bout des doigts les lois antitrust, n'hésite pas à brandir la menace de poursuites par le biais d'un communiqué de presse laconique. Google s'en défend fermement, en invoquant la concurrence existante du domaine.
Microsoft met également en avant la protection des données personnelles des internautes de DoubleClick, mise a défaut et condamnée en 2002 par la justice américaine. DoubleClick croisait ainsi les données de ses cookies avec des adresses mails d'internautes (ce qui est interdit, car permettant l'identification formelle). Google dément également. Avec toutes ces raisons, Microsoft réussira-t-il à faire échouer la tentative de rachat de Google ? Il y a peu de chances que cela aboutisse.
Mats Carduner, Directeur Général de Google France, annonce sur le JournalDuNet que "les synergies ne devraient pas intervenir avant plusieurs mois. Les premières applications devraient voir le jour d'ici la fin de l'année". Loïc de Kerdrel, PDG de la régie publicitaire Adverline, y réagit en affirmant que ce sont les grosses régies publicitaire qui vont souffrir de ce rapprochement. Enfin, Rob Wilson, Managing Director Europe de 24/7 Real Media, mise sur une angoisse des annonceurs, désirant garder une certaine neutralité dans leurs prestataires. Il dénonce ainsi un conflit d'intérêt en se demandant si "Google via DoubleClick va continuer à diffuser des annonces sur le moteur de Yahoo ?". De son côté, Didier Durant commente sur son blog ce rachat par une analyse plus poussée des modalités de la transaction
Après cette nouvelle annonce, une seule question est sur les lèvres de tout le monde : Google est-il insatiable ?